Polynésie. ( va et vient incessant de l'esprit).

 

C'est le printemps! Il y a de la folie dans les nids.
Et pourtant de lourds nuages gris flottent dans l'air épais, même si je suis le seul à les voir.
D'une main légère, je me fais une petite trouée au-dessus de la tonsure. Malgré la connotation, tonsure pour éviter d'évoquer la calvitie.
Le soleil y pénètre délicatement. Il y réchauffe, presque en s'excusant, de petits morceaux de peau.
Quelques bulles de bonheur viennent y crever à la surface, et se demandent pourquoi s'être trompées de route. Se dissipent dans le gros nuage gris troué qui laisse couler quelques gouttes salées sur mes joues.

  Le bonheur, quelques fois, ne tient qu'à ce fil.

  Mon esprit imite la navette, un coup ici, un coup poisson cru gingembre, un saut de puce devient citron vert, mangues, cannelle, puis se déguste poe de bananes vanille, s'en va et vient, crée du vent et le nuage s'absente, s'en va vers d'autres tonsures, laisse celle-là s'assoupir tranquillement.

  Est-elle prête à s'abreuver aux multiples crêtes ondoyant sur la paume de ton océan?

  Iles, tatouages mystérieux et sacrés, déposées là sur la peau des flots.

  Iles, où il suffit de goutter la douce quiétude d'un soleil couchant pour comprendre la raison de son existence.

  Nuit noire aux pieds de laquelle s'abritent les corps ivoires ou mordorés des amants, bercés par le ressac incessant, aux seins de fare saupoudrés à même le sable.

  Est-elle prête à s'abreuver à ton ciel, jets de camaïeux de bleus perçant le turquoise des clapotis du lagon ?

  Pagaie, pagaie, piroguier ton embarcation s'impatiente aux amarres. Elle veut s'arracher pour rejoindre l'éclatant automne offert par les gorgones, s'engouffrer en son cœur pour visiter le débordement de corail.

  Ne contemple pas la voile pliée, joyeuse à être hissée pour laisser un sillage, cicatrice du bonheur de naviguer.

  Interprète les données du sextant , le nez au levant. La boussole ancrée du coté où le ciel et la mer se rejoignent.

  As-tu les yeux rivés sur l'inespérée?
Les mains disposées à caresser?
Les pieds à fouler l'inconnu?
Ton coeur enclin à saigner?

  Ah, Polynésie, c'est parce que tu es splendide que la tornade plie tes cocotiers, couche tes palmiers et retourne ta beauté pour se venger.

  Mais la navette jailli, retour pour l'ici.
C'est dommage, déjà un nuage survient...

 

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